Thursday, October 27, 2005

Le marketing social, nouvelle donne stratégique ?
Chronique à Maghreb RH octobre 2005
Stéphane DIEBOLD

Voici le texte :
On parle de plus en plus de marketing social dans les cercles RH. Ce marketing spécifique est né en 1971 avec Philippe Kotler, père du marketing moderne, puis formalisé par Richard Bagozzi en 1974 et 1975. Alors pourquoi aujourd’hui ce concept redevient d’actualité ? Et bien pour une raison simple : l’environnement a changé et le marché RH s’adapte. On a de plus en plus de mal à trouver la bonne personne au bon moment. Le marketing social ouvre une nouvelle voie qui ne manque pas d’intérêt.

Traditionnellement, le marketing social était transactionnel. Face à une situation on gérait une solution dans un temps « t » par exemple : face à un problème de recrutement on cherche à négocier de nouvelles entrées ou face à un conflit social on négocie la meilleure solution possible. Il s’agissait de tenir compte de l’ensemble des contraintes pour proposer une stratégie « pull », répondre aux attentes des salariés par exemple ou une stratégie « push », bien vendre les décisions prises par le sommet stratégique. La nouveauté n’est pas tant dans la remise en cause des stratégies « pulll » « push » que dans le fait d’inscrire les transactions dans le temps et de construire des perspectives. Les personnes recrutées s’intègrent dans des parcours de professionnalisation, avec de l’accompagnement pour les potentiels, une gestion des compétences,… afin d’instaurer un SAV au recrutement.

Le marketing social relationnel pose dans ses fondements l’écoute des salariés. Les outils TICE donnent la possibilité d’ouvrir de nouvelles voies de communication qui rendent crédibles une telle politique. On peut connaître les attentes des salariés en temps réel. L’outil est là avec l’ensemble des datamining. La question qui demeure est, les ressources humaines ont-elle l’adaptabilité pour s’engager sur une stratégie en temps réel ? Cette question de l’adaptabilité dépasse largement le cadre des ressources humaines. Toujours dans le cadre des TICE prenons l’exemple des blogs d’entreprises. Il s’agit d’un outil extraordinaire pour connaître en temps réel, spontanément l’état d’esprit de l’ensemble des salariés, sous réserve de ne pas être technopathe, et en plus cela ne coûte rien. Alors qu’est-ce qu’on attend ? Michel Edouard Leclerc qui teste cet outil reconnaît que pour que cela marche il faut accepter de se faire critiquer et que ce n’est pas la chose la plus facile dans une entreprise structurée. Vouloir créer une relation sociale nécessite d’avoir une autre approche de l’autorité dans l’entreprise et c’est ce que les salariés attendent tout particulièrement. Le marketing social devient synonyme de communication interne.

Mais le marketing social c’est aussi la construction d’un sens commun au sein de l’entreprise. Le marketing traditionnel nous a appris que l’échange était fondé sur des « signaux de valeurs » fédérateurs (Jean Baudrillard) Chaque entreprise a son histoire qui la fonde et son projet qui la mobilise. L’objet n’est pas de créer des évènementiels artificiels mais d’inscrire la vie de l’entreprise autour de ces valeurs sociétales sinon le marketing social sera perçu comme une tentative de manipulation de la part du sommet stratégique. « Une banque à votre écoute » se doit de répéter cette valeur d’écoute avec son personnel sinon le message n’est pas cohérent. Le marketing traditionnel nous a appris que l’important est de préserver la cohérence des signaux. Les signaux cohérents permettent de donner une direction commune, et c’est là un outil de motivation important. Au moment où Corinne Maier dès la première page de son « Bonjour paresse » s’annonce cynique et que l’on voit l’impact extraordinaire de cet ouvrage, plus de 350 000 exemplaires vendus, on comprend que l’appel des salariés à comprendre le sens de sa société pour éviter de sombrer dans le cynisme qui est une défense dans un monde qui n’a plus de sens. Le marketing social devient un outil d’implication collective.

Le marketing social devient aussi personnalisé, on parle du « one to one » Les SIRH permettent aujourd’hui techniquement d’individualiser l’ensemble des relations de chaque salarié. La loi française renforce cette individualisation en créant des outils comme le Droit Individuel à la Formation ou le Passeport Formation. L’objectif est simple, permettre à chacun d’exprimer ses attentes pour canaliser ces éléments autour d’un projet collectif. Un observatoire international constatait un paradoxe étrange : le paradoxe des cadres. Traditionnellement une formation motive la personne qui la suit. La population qui suit le plus de formations est la population des cadres or étrangement c’est la population aujourd’hui la plus démotivée. Cet observatoire concluait, suite à une enquête, que les cadres ne veulent plus qu’on leur impose des formations, ils veulent être acteurs du développement de leurs compétences. Chacun est des mieux placé pour dire un mot sur ce qui lui paraît le plus efficace pour lui. La personnalisation est une valeur montante qui sera très difficile de ne pas intégrer dans les stratégies RH. L’enjeu est profond car il remet en cause la conception traditionnelle de l’autorité, Alain Renaut parle même de la « fin de l’autorité » pour introduire une notion de collaboration nouvelle, source d’adaptabilité et de motivation. Le problème est culturel.

Le marketing social est pour la société le fait de mettre ses valeurs internes au service de son environnement externe. C’est par exemple le cas du développement durable, encore faut-il sortir du discours consumériste pour le mettre en œuvre dans le quotidien de l’entreprise. C’est tout le travail du marketing social, trouver une cohésion entre tous les éléments RH de l’entreprise, le recrutement, la politique de carrière, les salaires, la communication interne, le développement des compétences, la politique de formation…Le marketing traditionnel avec la relation client, nous montre que cette cohérence permet de fidéliser ses collaborateurs autour de la relation employé.

L’entreprise doit construire sa valorisation employé, cela permet d’accroître son efficacité mais l’enjeu est encore plus grand encore. Si l’on suit l’analyse de Philippe Carré, avec l’entrée dans l’économie du savoir, les entreprises vont devoir créer un nouveau rapport de travail, fondé sur l’apprenance. Les entreprises de demain seront celles qui sauront s’adapter à ces nouveaux enjeux de pouvoir. Assurément le marketing social reconfigure la structure des entreprises mais il va plus loin en créant un avantage concurrentiel durable. Comme le marketing traditionnel à sa création, le marketing social en émergence donnera une longueur d’avance aux entreprises qui sauront en profiter les premiers.

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