Monday, July 24, 2006

Pédagogie II
Le behavorisme

Le courant behavioriste est né officiellement en 1913 avec l'article de John Broadus Watson (1878-1958) "Psychology as the behaviorist views it" et s'est imposé aux Etats-Unis durant plus de la moitié du XXème siècle (jusque dans les années 60). Ce courant privilégie le comportement ("behavior", comportement) par opposition aux "mentalistes" qui ouvriront la voie au courant cognitiviste, comme nous le verrons dans un article ultérieur. Il a servi de base à la professionnalisation des métiers de la formation autour d'une démarche scientifique, comme l'illustre le titre du livre de Burrhus Frederic Skinner, "la révolution scientifique de l'enseignement" (1968). Il s'appuie sur l'expérimentation des comportements observables, mesurables... dans la parfaite logique du paradigme dominant, rappelons que "the principles of scientific management" de Frederic Winslow Taylor fut écrit en 1911.

La démarche behavioriste est intéressante car elle permet de sortir des incantations en matière de formation, de savoirs ou de compétences pour proposer des modes opératoires de la transmission comme l'explique clairement Burrhus Frederic Skinner (1968) : "Dans les efforts pour améliorer l'enseignement, il est extraordinaire de constater à quel point le problème de méthode est négligé. Nul ne prend la peine d'analyser l'enseignement et l'apprentissage, et l'on ne fait en réalité aucun effort pour les améliorer en eux-mêmes... On entend partout : "il faudrait construire des écoles plus nombreuses et meilleures, il faudrait recruter des maîtres plus nombreux et meilleurs, il faudrait rechercher des meilleurs élèves, il faudrait multiplier les contacts professeurs-élèves, il faudrait élaborer de nouveaux programmes." On ne se demande pas comment ces meilleurs professeurs, travaillant dans de meilleures écoles avec des élèves meilleurs, s'y prendront pour enseigner. Et comme le meilleur professeur parlant de la meilleure école à ses meilleurs élèves s'aperçoit qu'il y a une formidable déperdition d'énergie et que seulement un pourcentage infime de ce qu'il dit "passe" (en attendant d'être rapidement oublié) il est alors découragé". Burrhus Federic Skinner propose un process sur le comment bien former avec l'équivalent d'une organisation scientifique de la formation. C'est la première réflexion dans ce sens, ce qui donne une valeur particulière au courant behavioriste.

Le paradigme behavioriste repose sur 3 hypothèses de base :
Postulat 1 : On ne peut pas accéder aux états mentaux de façon empirique (nous sommes dans les années 50-60) alors les behavoristes choisissent l'analyse des comportements observables afin de rester dans une démarche scientifique. C'est le concept de la "boîte noire". L'observateur ne s'intéresse qu'aux imputs et aux outputs. C'est un peu comme un conducteur automobile qui ne connaîtrait rien à la mécanique, il sait qu'il faut mettre de l'essence pour faire avancer le véhicule : ce qui l'intéresse c'est de se déplacer avec ce véhicule, pas besoin de connaître l'outil pour pouvoir l'utiliser. Dans notre cas, pas besoin de comprendre l'individu pour le former.
Postulat 2 : On peut contrôler et donc prédire les connexions entre les stimulations externes ou internes (les stimuli) et les réponses. "Donnez-moi une douzaine d'enfants bien portants, bien conformés, et mon propre milieu spécifique pour les élever, et je garantis de prendre chacun au hasard et d'en faire n'importe quel type de spécialiste existant : docteur, juriste, artiste, commerçant et même mendiant et voleur, sans tenir compte de ses talents, penchants, tendances, capacités, de sa vocation ni de la race de ses ancêtres" John Broadus Watson, l'ambition de l'aventure behavioriste était grande.
Postulat 3 : On peut décomposer les comportements en unités. Nous sommes là dans la démarche taylorienne où non seulement on peut décomposer un process en tâches élémentaires mais encore des "spécialistes" peuvent et doivent construire une structuration optimale. On introduit la fonction d'ingéniérie pédagogique (on peut se rappeler que le mot ingénieur vient du vieux français engigneor et qui signifie constructeur d'engins de guerre, la formation pour faire la guerre?). Cette ingénierie repose sur la modélisation et tout particulièrement la modélisation mathématique.

Le behaviorisme repose sur 4 types d'outils :
1. L'associationnisme
2. L'apprentissage par essais erreurs
3. Le conditionnement classique
4. Le conditionnement opérant

1. L'associationnisme

L'associationnisme est le précurseur du behaviorisme. Cette théorie consiste à associer les situations anciennes à des événements nouveaux. Ainsi, par exemple, un adulte à qui on propose une formation, va associer son comportement à des situations anciennes comme par exemple son aversion ou son plaisir qu'il a déjà rencontré sur les bancs de l'école. En fonction de son histoire, il aura une réaction plus ou moins positive.
L'auteur central de ce courant est David Hartley (1705-1757), médecin anglais, dans son livre "Observations sur l'homme, son organisation, ses devoirs et ses espérances" (1749). Son livre ne semble pas avoir séduit ses contemporains. C'est à Stuart Mill que revient la responsabilité, un siècle plus tard, de faire connaître cette thèse. Il ne tarit pas d'éloge : "ce que la loi de la gravitation est à l'astronomie, ce que les propriétés élémentaires des tissus sont à la physiologie, les lois de l'association des idées le sont à la psychologie."
Pour les tenants de ce courant, les phénomènes psychologiques reposent sur deux lois :
1. la psychologie se ramène aux "sensations" (raisonnement, logique, sentiment ou volonté) qui s'associent par continuité uniquement. On parle du principe de continuité.
2. le plaisir et le déplaisir sont la base des sentiments et de la motivation.
Les stimulations et les réactions répétées augmentent le lien de l'association. La connaissance, le raisonnement trouve son origine dans l'association avec les "invariants" soit de l'individu, selon Stuart Mill, soit de l'espèce, selon Herbert Spencer. Outre l'idée de l'invariant, l'associationnisme introduit la réaction aux stimulis qui servira de "noyau", au sens d'Irme Lakatos, au behaviorisme.

2. L'apprentissage par essais erreurs

Edward Lee THORNDIKE (1874-1949) est le premier à véritablement s'intéresser à la pédagogie. Il introduit le concept de tatonnement, sélectionner parmi les réactions spontannées. Comme a l'accoutumé l'expérimentation se fait sur des animaux. Il met en évidence "l'apprentissage instrumental". On enferme un chat affamé dans une cage comportant une porte munie d'un loquet. Un peu de nourriture est placée à l'extérieur. Si l'animal manoeuvre efficacement le loquet, la porte s'ouvre et il peut atteindre la nourriture. Placé dans cette situation, l'animal manifeste des comportements divers dits exploratoire puis, par hasard, il manoeuvre le loquet ce qui lui donne accès à la nourriture. Lorsqu'on recommence l'expérience, on s'aperçoit que le temps mis par l'animal pour sortir de la cage décroît progressivement ; au bout d'un certain nombre d'essais, l'animal parvient à ouvrir le loquet dès qu'il est placé dans la cage. L'apprentissage est alors considéré comme réaliste. Selon Edward Thorndike, dans un apprentissage instrumental, une association entre une situation-stimulus, par exemple l'intérieur de la cage, et une réponse particulière est renforcée parce que cette réponse est suivie d'un état satisfaisant (le bien être que procure la nourriture à un animal affamé). Ce concept d'association stimulus-réponse marquera profondément la psychologie de l'apprentissage. Toutefois, comme la satisfaction est une donnée subjective très difficile à analyser, les successeurs tentent d'objectiver davantage la cause du renforcement de l'association entre stimuli réponses.
Edward Thorndike introduit une série de lois que l'on synthétise par le "drill and practice" :
1. La loi de l'effet : plus grande est la satisfaction ou le désafection, plus grande sera la force ou la faiblesse du lien. La loi de l'effet fournit une description des apprentissages associatifs : "une action qui produit un résultat désirable sera probablement répétée dans des circonstances similaires" Edward Lee Thorndike (1898). Le stimulus avec un renforcement positif augmente la performance alors qu'avec un renforcement négatif cela réduit la performance ; le drill répétitif n'implique pas automatiquement l'apprentissage.
2. La loi de l'exercice : La probabilité d'émission d'une action augmente avec le nombre d'essais effectués. Cette loi est renforcée par la notion de feed back. Marcel Crahay propose une typologie des feed back avec le feed back simple, expliqué ou contrôlé qui renforce plus ou moins l'efficacité de l'apprentissage.
Le "drill and practice" est parfois appelé le "modèle du répétiteur". Il est utile pour faire apprendre "par coeur" un savoir (par coeur doit être entendu dans son sens historique, avec courage). Il n'est pas forcément nécessaire d'expliquer, c'est la pratique qui compte. L'intervention du formateur est faible, c'est surtout le travail de l'ingénieur pédagogique qui développe un programme de stimulation et de validation autour d'un feed back pour connaître l'efficacité du système. Margaret D. Roblyer (2005) considère cette technique classique est particulièrement bien adaptée dans des domaines qui sollicitent essentiellement la mémoire brute. Elle retrouve même une seconde jeunesse avec les formations assistées par ordinateur.

3. Le conditionnement classique ou conditionnement répondant

Le père du conditionnement classique est le médecin russe Ivan Pavlov (1849-1936). Au cours des travaux sur la physiologie digestive, Ivan Pavlov remarque que la salive et les sécrétions gatriques, qui sont normalement déclenchées chez un chien par la présence de nourriture dans la gueule, peuvent aussi être induites par les stimuli précédant son ingestion. Par exemple, la vue du bol ou de l'employé d'animalerie peut déclencher cette salivation, la réponse attendue. Les stimuli a priori inefficaces pour déclencher un réflexe biologiquement important, la salivation, peuvent déclencher une réponse semblable s'ils sont associés avec le déclencheur naturel du réflexe, dans notre cas la nourriture. Tout se passe comme si l'animal réagissait à ces stimuli comme à la nourriture même. Ce type d'apprentissage est fondé sur l'association entre le stimulus dit conditionnel (qui n'as pas, au départ, de signification pour l'individu) et un stimulus inconditionnel (nourriture) qui devient capable de déclencher seul la réponse (salivation) normalement déclenchée par le second stimulus. Dans son expérience, un chien salive lorsqu'il aperçoit de la nourriture (stimulus inconditionnel). Si on associe un stimulus conditionnel (qui n'a aucune signigication pour l'animal : par exemple, un signal sonore) à la représentation de la nourriture (stimulus inconditionnel), l'individu va associer la perception du signal conditionnel au stimulus inconditionnel. On pourra, dans une seconde étape, supprimer le stimulus inconditionnel (la nourriture) et la perception du seul stimulus conditionnel (signal sonore) fera saliver le chien (réponse motrice). Le conditionnement classique est une forme d'apprentissage qui associe un stimulus et une réponse. Au départ, le stimulus ne suscite aucune réaction puis il acquière cette capacité comme un reflex conditionné. Pour se faire l'ingénieur pédagogique devra segmenter la connaissance finale en étape élémentaire pour produire un processus pédagogique "étape par étape" ; par exemple, pour savoir le code de la route, on peut commencer par connaître les panneaux les plus fréquents, les répéter pour développer des automatismes qui libèreront l'attention lors de la conduite. Chaque étape amènera des répétitions réactions qui développeront l'autonomie qui renforceront les mécanismes d'apprentissage.
Délaissé dans les années 70, ce courant a retrouvé une nouvelle jeunesse dans les années 80 avec le travail d'Arthur Staats (1924- ). Il introduit le "behaviorisme social" ou "behaviorisme paradigmatique" où il enrichit la notion de stimuli qu'il définit comme conditionné répondant, renforçants et directifs. L'originalité est double, elle porte tout à la fois sur le fait que les stimuli du conditionnement inconditionnel sont enrichis avec des stimuli émotionnels, verbaux, non verbaux,... et sur le fait social avec des attitudes, du leadership, du mimétisme, de la persuasion,... Aimée Leduc a proposé une série d'étude particulièrement intéressante autour des enfants ayant souffert d'isolement social.

4. Le conditionnement opérant

Contemporain de Ivan Pavlov, Edward Lee Thorndike met en évidence une autre forme d'apprentissage associatif : l'apprentissage instrumental. Dans la tradition pavlovienne, il expérimente sa théorie sur les animaux. Il place un animal affamé, un chat, dans une cage équipée d'un mécanisme qui permet à l'animal d'ouvrir la porte et d'atteindre la nourriture qui se trouve à l'extérieur. La première fois, l'animal émet généralement des comportements inappropriés : il se frotte sur les parois, miaule, mord et griffe, avant de finalement actionner le mécanisme d'ouverture. L'apprentissage, mesuré par le temps nécessaire pour sortir de la cage, est très lent au début mais s'améliore graduellement avec les essais. Le chat élimine progressivement les réponses inappropriées et acquiert ainsi par essais et erreurs un comportement efficace. Selon Edward Lee Thorndike, dans un apprentissage instrumental, une association entre une situation stimulus, par exemple l'intérieur de la cage, et une réponse particulière est renforcée parce que cette réponse est suivi d'un état satisfaisant, le bien être que proccure la nourriture d'un animal affamé. Ce concept d'association stimulus réponse marquera profondément la psychologie de l'apprentissage. Toutefois, comme la satisfaction est une donnée subjective très difficile à analyser, les successeur de Thorndike tentent d'objectiver davantage la cause du renforcement de l'association entre stimuli réponses. Burrhus F. Skinner (1904-1990) a étudié l'apprentissage instrumental qu'il a rebaptisé du nom de "conditionnement opérant". L'apprentissage peut être obtenu par l'utilisation de récompenses appelés "renforcements positifs" (la nourriture chez les rats de laboratoire) et de punition appelés "renforcements négatifs" (un choc électrique). L'individu adopte un comportement lui permettant d'éviter les renforcements négatifs et d'augmenter la probalité de renforcements positifs. Cette procédure s'appelle "conditonnement opérant" : c'est le comportement qui opère sur l'environnement. L'étude du conditionnement opérant porte sur l'analyse de l'association (le lien) que réalise l'individu entre son comportement et l'événement qui le suit. Si le comportement est renforcé positivement (récompense), il y a alors plus de chance de se produire à nouveau. Si à l'inverse, le comportement est renforcé négativement (choc physique ou émotionnel), il a moins de chance d'apparaître dans l'avenir. Burrhus Skinner estime qu'il n'est pas utile ni nécessaire de faire appel à des processus internes comme la satisfaction, la motivation, la mémoire ou la cognition. Il suffit, selon lui, de décrire ce qui est directement observable. Ce qui se passe entre le stimulus et la réaction, dans la boîte noire n'était pas accessible à l'analyse scientifique. Le renforcement est ainsi caractérisé par tout stimulus ou événement qui augmente la probabilité ultérieure de l'apparition d'un comportement.

Burrhus Skinner (1968) radicalise le courant, on parle même de "neo behaviorisme". Dans la révolution scientifique de l'enseignement, il détaille la théorie du conditionnement opérant autour de 4 principes :
1. L'apprentissage consiste à mettre en place un comportement nouveau en réponse à un stimulus. Ce comportement observable doit être précisemment décrit ent liste d'actes le composant. "La première démarche de toute pédagogie est de définir le comportement qu'il s'agit, en fin de compte, d'installer"
2. Multiplier les occasion de distribuer des renforcements positifs. Seuls ces renforcements permettrent la mise en place d'un réponse adéquate. Pour Skinner l'école ne fournit que trop peu de renforcements et le plus souvent ceux-ci sont négatifs. Le stimulus, dans le conditionnement opérant, ne déclenche pas le comportement attendu mais permet de le selectionner en éliminant progressivement les réponses inappropriées. Dans ce cadre Skinner, seules les conséquences positives d'une action permettent la consolidation d'une réponse. "Nous apprenons quelque chose de nos erreurs mais un comportement correct n'est pas tout simplement ce qui reste lorsque les comportements erronés ont été éliminés". Dans ce cas, l'erreur est une perte de temps. L'éducation sert à créer des comportements et pas à éliminer des conduites insatisfaisantes. "Nous ne renforçons pas, précise-t-il, la bonne prononciation en punissant la mauvaise, ni des mouvements habiles en punissant la maladresse". Contrairement à Edward Lee Thorndike, il affirme l'erreur nocive pédagogiquement et donc le tatonnement équivaut à "jeter les gens à l'eau pour leur apprendre à nager, voilà à quoi se ramène cet entraînement... Quelques-uns d'entre eux réussiront à en sortir... Nous pouvons prétendre leur avoir appris à nager, bien que la plupart nagent fort mal... quant aux autres, ils couleront."
3. La décomposition du contenu d'apprentissage en maximun d'unité de formation. Cette segmentation assurant l'organisation séquentielle de l'apprentissage (progression du plus simple vers le plus compliqué) qui multiplie les opportunités de contrôle du comportement et la possibilité d'effectuer des renforcements. "En faisant chaque fragment aussi petit que possible, on accroît au maximum la fréquence du renforcement, tout en réduisant au minimum l'éventuel caractère aversif des erreurs"
4. Le programme de renforcement doit pouvoir prendre en compte des différences interindividuelles principalement quant à la célérité d'apprentissage : "Nous n'apprenons pas à l'élève à étudier vite en punissant sa lenteur, ni à retenir en punissant ses oublis, ni à raisonner juste en punissant ses illogismes". Burrhus Skinner a utilisé des machines à enseigner plus des ordinateurs pour l'apprentissage humain. A chaque fois que la personne émet un bonne réponse, la machine lui fournit un renforcement positif (message tel que "exact, très bien, continuez,..."). L'élève ne peut aborder une étape du programme d'apprentissage que si la précédente est parfaitement maîtrisée. Il y a 3 conditions d'apprentissage optimal pour Burrhus Skinner, conditions qui sont réunis dans l'apprentissage programmé : focalisation de l'attention de l'apprenant sur un segment de matière très ciblé ; obligation de fournir une réponse pour chaque segment, connaissance immédiate de la validité de la réponse. L'apprentissage programmé permet de décharger l'enseignant de la technique même et lui donne donc du temps pour s'intéresser à ses stagiaires et les conseiller. "Il est essentiel de comprendre que l'élève n'absorbe pas passivement le savoir mais doit jouer un rôle actif et que ce rôle actif ne se résume pas à parler. Savoir, c'est agir avec efficacité, à la fois sur le plan verbal et sur le plan non verbal".
D'autres auteurs enrichisse le néo behaviorisme. Clark Leonard Hull (1884-1952) propose une méthode hypothético-déductive systématique. Le comportement est une interaction entre l'individu et l'environement, il trouve deux racines : la pulsion, source de motivation et l'habitude, répétition d'un comportement préalablement renforcé. Edwin Ray Guthrie (1886-1959) introduit l'existence de plusieurs stimuli pas toujours identifiables mais l'apprentissage peut influencer la réponse. Edward Chace Tolman (1886-1959), pour lui le comportement n'est pas seulement "réactionnel"; il agit en fonction d'une visée qui lui est propre. Le "but poursuivi", le "dessein" définisse le "purposive behavior".

Le behaviorisme est un paradigme qui s'inscrit dans une démarche dynamique. Il existe de nombreux développements. Traditionnellement, on regroupe ces développements autour de deux courants majeur : le courant socio cognitif et le le courant socio constructiviste.

1. Le courant sociale cognitif
"Ce courant de la psychologie fait appel à des schémas acquis antérieurs pour expliquer les comportements actuels des personnes. Ces schémas sont principalement des croyances qui servent à organiser les expériences dans les situations actuelles." David Meichenbaum (1977). Comme son nom l'indique il introduit le cognitif (les "mentalistes") dans la démarche behavioriste. Julian Rotter (1916- ), qui a été fortement influencé par la grande dépression, pour se rendre compte de l'injustice sociale et de l'effet de l'environnement situationnel sur les personnes. En développant la théorie de l'étude sociale, Julian Rotter reprend la "loi de l'effet" en y ajoutant une étude de la personnalité comme force motrice avec des motivations internes ("qui vient de moi"), source d'estime de soi et des motivations externes ("ce qui vient des autres"), source de compétences reçues, valorisation. On le considère parfois comme le père de ce courant ; d'autres lui préfère Aaron T. Beck (1921 - ) et sa Thérapie cognitive et comportementale (TCC), il reprend le conditionnement classique et opérant du behaviorisme et y ajoute l'apprentissage social comme le mimétisme ("je travaille comme mon père") et enfin le cognitif avec face à un stimulus une perception, une interprétation qui vont influencer le comportement. Cette dernière dimension ouvre la porte à un travail sur le fait de transmette en travaillant sur les pensées pour mieux se comprendre et développer un "auto-contrôle". Mais le plus prolifique de ce courant est Albert Bandura (1925 - ). Il propose, comme traditionnellement, que l'environnement détermine le comportement mais aussi que le comportement influence l'environnement. La rétrodétermination a été ensuite enrichi dans le tryptique environnement, comportement et les processus cognitif de la personne. La complexification avec le cognitif introduit la notion de stratégie d'apprentissage de l'individu, auto régulation, tant au niveau de la perception, le jugement ou la réponse. Selon l'auteur il permet de réaliser la "révolution cognitive" du behaviorisme. Sa capacité à la modélisation et sa méthodologie autour de la quantification s'inscrivent parfaitement dans la démarche de la psychologie scientifique.

2. Le courant socioconstructiviste
La construction d'un savoir s'effectue dans un cadre social. Le père fondateur est Lev Semionovitch Vygotski (1896-1934) qui a plus ouvert la porte qu'il n'a fondementalement construit ce courant mais aujourd'hui de nombreux auteurs comme Willem Doise (1935- ) ou Howard Earl Gardner (1943- ) ou encore Anne Nelly Perret Clermont. Willem Doise a étudié le rôle des interactions sociales entre pairs dans le développement de la connaissance selon une perspective structuraliste piagétienne. Un rôle important est reconnu au conflit cognitif. Ils parlent en terme de conflit socio-cognitif et démontrent que les confrontations entre individus sont à la source du développement. Il propose un modèle en spirale avec succession alternée de phases : confrontation interindividuelle et construction de schèmes cognitifs ; nouvelles compétences acquises et activité autonome du sujet permettant de nouvelles constructions. D'après cet auteur, il est important de se préoccupper du lien eventuel entre le social et le cognitif, d'une origine sociale de l'intelligence (environnement social). Le contexte social réfère aux personnes, aux règles des groupes sociaux dans lesquels on est intégré, et également aux normes sociales. Howard Earl Gardner proposait d'ouvrir l'apprentissage à de nouveaux champs : logico-mathématique, spirale, interpersonnel, corporel-kinesthésique, verbo-linguistique, intrapersonnel, musical-rythmique et naturaliste. Ce qui ouvre la pédagogie à des canaux nouveaux.

Les critiques principales du behaviorisme sont très tôt apparues. On peut les synthétiser en reprenant l'ouvrage de Marc Richelle (1930- ) "Skinner ou le péril behavioriste" (1977) :
1. Le behaviorisme ne prend pas en compte la partie cognitive de l'apprentissage avec le travail sur la perception, la mémoire, le langage et l'émotion dans ce qu'elle a d'individuel. En effet, il existe d'autres modes d'apprentissages que celui de l'association. Même si certains auteurs ont tenté de dépasser le cadre behavioriste en introduisant des concepts mentalistes comme nous l'avons vu avec le courant social cognitiviste, d'autres au sein du néo-behaviorisme ont tenté d'enrichir le modèle. Ainsi Clark Hull (1884-1952) considère qu'entre le stimulus et la réponse, la théorie pouvait prendre en compte des "variables intermédiaires" en nombre limité telles que la "force de l'habitude" ou le "niveau de besoin" que l'on peut inférer à partir des observations stimuli-réponses. Clark Hull a formalisé sa théorie en 1943, "Principles of behavior". Un stimulus opérant doit tenir compte de la différence entre la motivation et la fatigue pour observer les résultats dans leur vitesse et leur amplitude. Mais sans définir particulièrement le concept de motivation et de fatigue. Ou encore Edward C. Tolman (1887-1955) qui proposait une "théorie intentionnelle" faisant appelle à de nombreux concepts cognitifs comme la connaissance, la pensée, la planification, l'indiférence,... La connaissance de l'environnement est organisée en cartes cognitives. L'apprentissage restant fonction de la motivation (la faim) et la récompense. Un rat explore librement un labyrinthe pour se nourrir, il mémorise une carte du labyrinthe qui lui permettra de changer lorsque le chemin le plus court n'est plus ouvert. La motivation pour la formation se trouve nourrit par deux sources la motivation externe, comme une récompense financière et la motivation interne (MI) comme la curiosité. Selon Edward L. Deci (1971) si on renforce par la ME, on tue alors la MI. Or selon Harry L. Harlow (1906-1981) le désir d'apprendre provient de la MI... la fameuse "apétence".
Pour être plus complet le rejet des "mentalistes" a été justifié par le fait que l'observation n'était pas possible et que pour préserver une méthodologie scientifique vérifiable, il fallait abandonner le "mental" au profit de la fiction de la "boîte noire". L’imagerie par Résonance Magnétique (IRM) permet depuis une vingtaine d’année de produire des images de l’anatomie ‘statique’ du cerveau, avec une précision millimétrique. Plus récemment, l’IRM est aussi devenue ‘fonctionnelle’ (IRMf), montrant l’activité des différentes structures qui composent notre cerveau. L’imagerie neurofonctionnelle par IRMf repose sur deux concepts fondamentaux. Bien que l’imagerie neurofonctionnelle, aujourd’hui, ne permette pas de descendre à l’échelle des neurones, les travaux en cours laissent présager qu’un jour nous pourrions peut-être même avoir accès en partie à la nature de l’information traitée par les différentes régions de notre cerveau, et donc, d’une certaine manière, à une petite fraction du contenu de nos pensées... Aujourd'hui, le processus de transmission des informations aux zones concernées pour générer le comportement est observable, donc mesurable selon le critère de John B. Watson. Le modèle behavioriste peut donc ouvrir la "boîte noire" sans sortir de son paradigme et le temps devrait accroître la précision et le bien fondé de la démarche.
2. Le behaviorisme impose une hiérarchisation entre celui qui sait le formateur et celui qui apprend le stagiaire. Aujourd'hui, la relation top-down pour des raisons sociologiques est remis en cause et de nouveaux modes d'apprentissages voient le jour et le formateur expert s'enrichi d'une nouvelle dimension le formateur coach dans une démarche bottom-up. L'approche sur le fonctionnement du groupe est intéressante ainsi pour rester sur ses fondateurs Jacob Levy Moreno (1892-1974) considère, autour d'expérience sur le théatre spontané, que chacun est prisonnier des rôles qu'il se croit obligé de jouer dans un groupe. Cette pédagogie ouvre au traditionnel jeux de rôle. Là où Kurt Lewin (1890-1947) propose une démarche plus large pour comprendre la dynamique de groupe comme accélérateur de performance pédagogique. Même dans ce cas, il s'agit comme avec les behavioristes de créer un environnement favorable à la transmission collective de l'apprentissage.
3. Le behaviorisme deshumanise l'apprentissage en raisonnant sur la fiction du stagiaire. Burrhus Skinner parle même de "machine à enseigner" qui consiste à bien contrôler un environnement d'enseignement pour qu'il y ait apprentissage. "La machine en elle-même, naturellement, n'enseigne pas. Elle n'est qu'un instrument mettant l'étudiant en contact avec le spécialiste qui a composé le matériel qu'elle présente... Il n'est pas excessif de comparer la machine à un bon précepteur privé". Ce processus de transmission est assez logique dans un environnement taylorien avec pléthore de main d'oeuvre, comme l'a montré Benjamin Coriat, mais dans un environnement de pénurie la standardisation des stagiaires n'est plus la meilleure réponse formative. Avec les mêmes fondamentaux, la personnalisation peut devenir la référence sans pour cela sortir du cadre scientifique de la pédagogie. Tout est une question de méthode.

Le behaviorisme est-il dépassé ?
Si on revient à la définition même de la démarche scientifique, le behaviorisme est fait pour être dépassé, autrement dit pour être développé, en ce sens assurémment la réponse est oui. Mais l'on entend par "dépassé" obsolète, ou non valide, cela renvoie à la définition que l'on a des modèles théoriques, comme nous le verrons dans un article ultérieur. Pour l'instant nous pouvons considérer que dans le paradigme dominant le behaviorisme n'est plus le cadre de référence. Il reste toutefois des domaines où le behaviorisme classique apporte des réponses reconnues :
1. les problématiques soulevées par le behaviorisme sont toujours d'actualité avec par exemple la place de l'erreur dans l'apprentissage, ou le fractionnement de l'objet à former en étape élémentaire ou encore la place du feedback dans le processus d'apprentissage. On apprend parfois que savoir poser les bonnes questions est l'essentiel dans la résolution d'une problématique...
2. la professionnalisation du métier de formateur John B. Carroll (1916-2003) propose une fiche métier avec behaviorisme oblige des variables de contrôle. Le formateur doit communiquer clairement les consignes, présenter les tâches adequate à faire, organiser séquentiellement les tâches, grouper les stagiaires, réguler les interractions et/ou retroactions des apprenants. Cette professionnalisation ouvre voit aux problématiques des validations des acquis transmis pour évaluer la performance de la formation. Ce qui est toujours d'actualité c'est les outils de la professionnalisation des métiers de la formation.
3. La "pédagogie de maîtrise" formulée par Benjamin S. Bloom (1913-1999), à partir des idées de John B. Carroll, propose un modèle néo-behaviouriste pour l’apprentissage en classe. Il permettrait à la plupart des élèves d’atteindre un niveau de rendement que moins de la moitié atteindrait dans des conditions traditionelles d’enseignement. En même temps la difference entre les meilleurs et les plus faibles élèves serait fortement réduite. L’approche de Benjamin Bloom contient beaucoup d’éléments neo-behaviouristes : la structuration de l’enseignement, la formulation d’objectifs, le rôle important que jouent feeedback, indices, l’activité de l’étudiant et l’idée que chaque élève peut apprendre quasi toute tâche si l’enseignement lui est adapté.

Autrement dit, le behaviorisme a toujours une actualité même s'il n'est pas d'actualité. Il est intéressant de garder à l'esprit l'épistémologie même du concept de modèle, il porte dans son essence les limites qu'on lui reproche. Ne demandons pas à un modèle plus qu'il n'a à offrir.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home